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NOUVEAU CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL APPLICABLE AU SECTEUR PHARMACEUTIQUE AU SENEGAL

  • Une réforme en profondeur du cadre juridique applicable au secteur de la pharmacie

Jusqu’à récemment, le secteur pharmaceutique était principalement régi par le Code de la santé publique français de 1953, un texte hérité de l’époque coloniale française.

Cependant, en raison de son obsolescence, ce texte n’était pas pleinement appliqué dans la pratique par les autorités compétentes, ce qui pouvait caractériser un vide juridique.

La nouvelle Loi n° 2023-06 du 13 juin 2023 relative aux médicaments, aux autres produits de santé et à la pharmacie (ci-après la « Réforme ») a été promulguée dans le but de restructurer tous les aspects de ce secteur.

Ce nouveau cadre règlementaire vient abroger les articlesL511 à L655 du Code de la santé publique français, à l’exclusion des articles L520 à L548 qui restent applicables.

Sont aussi abrogés :

  • La loi n° 65-33 du 19 mai 1965 portant modification des dispositions du Code de la Santé publique relatives à la préparation, à la vente et à la publicité des spécialités pharmaceutiques ;
  • La loi n° 73-62 du 19 décembre 1973 portant création de l’Ordre des Pharmaciens du Sénégal ;
  • La loi n° 94-57 du 28 juin 1994 sur la définition du médicament, abrogeant et remplaçant l’article L.511 du Code de la Santé publique.

La Réforme précise les conditions et les règles d’exercice de la pharmacie, les dispositions relatives aux médicaments, produits de santé et à la pharmacopée sénégalaise, ainsi que la régulation pharmaceutique. Elle encadre également le monopole pharmaceutique, ainsi que les prix, la promotion, la publicité et l’usage des technologies de l’information concernant les médicaments et les produits de santé.

De manière synthétique, la Réforme introduit les innovations majeures dans les domaines suivants :

  • Libre circulation et droit d’établissement des pharmaciens dans l’espace UEMOA

La Réforme transpose la Directive n° 06/2008/CM/UEMOA du 26 juin 2008 relative à la libre circulation et au droit d’établissement des pharmaciens au sein de l’UEMOA (l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine).

Les dispositions de cette nouvelle Loi visent à favoriser l’intégration et la mutualisation des compétences dans le domaine pharmaceutique, contribuant ainsi au développement et à la régulation harmonieuse du secteur de la santé au sein de l’UEMOA.

  • Procédures d’homologation des produits pharmaceutiques et cosmétiques à usage humain et des compléments nutritionnels

La nouvelle Loi n° 2023-06 du 13 juin 2023 vient ensuite intégrer le Règlement n° 04/2020/CM/UEMOA du 28 septembre 2020 relative aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain et la Décision n° 07/2010/CM/UEMOA du 1er octobre 2010 portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des compléments nutritionnels afin d’assurer la qualité, la sécurité et l’efficacité des médicaments, des produits cosmétiques et des compléments nutritionnels destinés à être utilisés par la population sénégalaise.

Elle comprend des dispositions spécifiques qui établissent les produits soumis aux normes et les exigences à respecter pour être homologués et mis sur le marché.  Cependant, des textes complémentaires tels que des décrets et arrêtés sont attendus afin d’en préciser les modalités d’application.

  • Refonte de l’organisation et du fonctionnement de l’Ordre des pharmaciens du Sénégal

Anciennement régi par la Loi n° 73-62 du 19 décembre 1973, l’Ordre des pharmaciens du Sénégal est désormais réglementé par la nouvelle Loi n° 2023-06.

L’Ordre des Pharmaciens du Sénégal a pour mission de veiller au respect des règles de déontologie et des bonnes pratiques pharmaceutiques. Il assure également la supervision de l’exercice de la pharmacie, la régulation pharmaceutique et la lutte contre les médicaments et autres produits de santé de qualité inférieure et falsifiés. De plus, il est chargé de contrôler les conditions d’ouverture et de gestion des établissements pharmaceutiques, contribuant ainsi à garantir la qualité et la sécurité des produits de santé disponibles sur le marché.

La Réforme vient également encadrer les conditions d’accès à la profession de pharmacien.

  • Monopole pharmaceutique

La nouvelle Loi prévoit un monopole pharmaceutique en vertu duquel certaines activités telles que la préparation, l’importation, l’exportation et la vente en gros de médicaments, ainsi que la vente au détail de certains produits de santé sont exclusivement réservées aux pharmaciens.

Des dérogations sont admises à titre limitative dans les cas suivants :

  • L’ouverture d’une pharmacie à usage intérieur ;
  • L’ouverture et la gestion de dépôts privés ;
  • L’autorisation de pratiquer certaines activités liées aux préparations de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique, telles que leur préparation, leur stockage, leur distribution, leur transfert, leur importation et leur exportation ;
  • L’autorisation de vendre des produits à base de plantes médicinales ;
  • L’autorisation de vendre des produits destinés à l’entretien des lentilles oculaires de contact ;
  • L’autorisation de dispenser des gaz à usage médical sous certaines conditions.
  • L’ouverture du capital majoritaire social pour la création d’établissements pharmaceutiques industriels à des non pharmaciens

La Loi n° 2023-06 du 13 juin 2023 a introduit un changement significatif en autorisant l’ouverture du capital social majoritaire à des non-professionnels dans le cadre de la création de sociétés ou d’établissements industriels pharmaceutiques.

Auparavant, la majorité de ce capital était exclusivement détenue par les pharmaciens, conformément à l’article L596 du Code de la santé publique Français. Cependant, malgré cette détention majoritaire, la capacité des pharmaciens à répondre efficacement aux besoins nationaux en médicaments et autres produits de santé était limitée.

Cette nouvelle disposition vise à augmenter la capacité d’investissement et de production des industriels pharmaceutiques locaux.

  • Mise en place d’une pharmacopée sénégalaise

La Loi n° 2023-06 consacre également la mise en place d’une Pharmacopée sénégalaise.

La pharmacopée est un recueil contenant, entre autres, une liste des plantes médicinales, la nomenclature des drogues, médicaments simples et composés, des produits pharmaceutiques non-médicamenteux, une liste de dénominations communes et internationales de médicaments, les tableaux de posologie ainsi que des renseignements pouvant être utiles aux pharmaciens.

La nouvelle Loi définit les conditions et modalités à l’inscription d’un produit pharmaceutique qui s’appliquent aux fabricants de produits de santé et des professionnels de santé dans le cadre de leurs activités pharmaceutiques. Elle comprend les normes et les spécifications techniques pour les médicaments, les dispositifs médicaux, les produits cosmétiques, les compléments nutritionnels et autres produits de santé.

Une Commission Nationale de la Pharmacopée et du Formulaire National est également créée, dont les règles d’organisation et de fonctionnement seront fixées par décret.

  • Prix, promotion, publicité

La Réforme vise à garantir l’accès équitable aux traitements, tout en encadrant la promotion et la publicité pour garantir des pratiques éthiques et transparentes dans le domaine de la santé.

Les prix des médicaments et des produits de santé sont réglementés et les établissements concernés doivent se conformer aux prix fixés par arrêté des autorités compétentes.

En ce qui concerne la promotion et la publicité des médicaments et autres produits de santé, la Réforme a une portée assez large et établit des restrictions et des règles pour encadrer ces activités. La publicité pour les produits de santé est réglementée afin de garantir la transparence, la véracité et la sécurité des informations transmises au public. 

La Réforme prévoit également des restrictions sur la manière dont les informations sur les produits doivent être présentées et des mesures restrictives sur la publicité auprès de la population.

  • Renforcement du dispositif de répression des actes de trafics illicite des produits médicaux et l’exercice illégal de la pharmacie

Le Titre VII de la Loi n° 2023-06 consacre la lutte contre les médicaments et autres produits de qualité inférieure ou falsifiés. Ainsi, sont interdits la fabrication, l’importation, l’exportation, le stockage, la distribution, la dispensation et la vente des médicaments et autres produits de santé non conformes aux spécifications et/ou ne répondant pas aux normes de qualité, les produits médicaux non évalués et/ou approuvés par l’autorité compétente et les produits dont l’identité, la composition ou la source est présentée de façon frauduleuse, délibérément ou de manière frauduleuse.

Il est ainsi créé un Comité National de Lutte contre le Trafic Illicite de Produits Médicaux, dont les règles d’organisation et de fonctionnement seront fixées par arrêté de l’autorité compétente, et un Office Central de Répression du Trafic Illicite des Produits Médicaux (OCRTIM) dont les règles seront fixées par décret.

  • Dispositions pénales

Des dispositions pénales sont également prévues pour réprimer certaines infractions relatives à la pharmacie et à la santé publique. La Réforme sanctionne principalement l’exercice illégal de la pharmacie, la falsification, la contrefaçon et le trafic illicite de médicaments, le non-respect des règles de bonnes pratiques et les causes aggravantes de certaines infractions, qui sont sévèrement réprimées

NOUVEL ACTE UNIFORME PORTANT SUR L’ORGANISATION DES PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT ET DES VOIES D’EXECUTION

Ce nouvel Acte consacre un certain nombre de modifications majeures de forme comme de fond. En effet, l’Acte apporte certaines innovations de par l’introduction d’un chapitre dédié aux dispositions communes intégrant une liste des définitions, de nouvelles dispositions relatives aux autorités chargées de l’accomplissement des actes, de la forme, des délais d’accomplissement des actes et des nullités pour vice de forme.

La particularité de cet Acte Uniforme qui devrait entrer en vigueur le 16 février 2024 réside également dans le fait qu’il prévoit des dispositions spécifiques relatives notamment à la définition de la compétence matérielle, la saisie conservatoire et la saisie-vente du bétail, la saisie de créances représentant un avoir en monnaie électronique, celle des biens placés dans un coffre-fort appartenant à un tiers ou encore du fonds de commerce.

  • Implications Juridiques

S’agissant du chapitre préliminaire relatif aux dispositions communes, il est à noter que certains termes clés y sont définis, en ce compris le tiers saisi. En effet, le nouvel Acte définit différemment le tiers saisi selon que la saisie se rapporte à une créance ou à un bien autre qu’une créance. Ainsi,

  • En matière de saisie sur une créance : le tiers saisi désigne la personne tenue, au jour de la saisie, d’une obligation portant sur une créance de somme d’argent née d’un rapport de droit qui implique un pouvoir propre et indépendant à l’égard du débiteur ;
  • En matière de saisie sur un bien autre qu’une créance : le tiers saisi désigne la personne détenant au jour de la saisie, pour le compte du débiteur, un bien sur lequel porte la saisie.

Le nouvel Acte uniforme définit également les seules procédures dont peut user le titulaire d’un droit pour poursuivre le recouvrement forcé de sa créance ou la conservation de ses droits. En sont donc exclues les saisies visées par des conventions internationales notamment les saisies d’aéronefs ou de navires, les saisies et procédures particulières prévues par la loi de chaque Etat pour le recouvrement de créances publiques et les mesures conservatoires prévues par d’autres actes uniformes.

Au titre des apports majeurs du nouvel Acte, il y a la possibilité d’établir des actes en vue de la conservation ou du recouvrement des créances sur support électronique. Ces actes sous forme électronique sont équivalents aux actes sur support papier dès lors qu’ils sont établis et maintenus selon un procédé technique fiable qui garantit, à tout moment, leur accessibilité, leur origine et leur intégrité au cours des traitements et transmissions électroniques. En ce sens, une signification peut être faite par voie électronique lorsqu’il est possible d’attester de la date de l’acte, de garantir l’identité de l’expéditeur et du destinataire, de garantir la réception effective de l’acte.

En ce qui concerne les délais, des précisions sont apportées. Ainsi, le délai court à partir du jour de l’acte, de la décision, de la notification, de la signification ou de l’évènement qui en constitue le point de départ. Par ailleurs, lorsqu’un délai expire en dehors des jours ouvrables, l’acte ou la formalité envisagé peut être accompli le premier jour ouvrable suivant.

Au titre du nouvel acte uniforme, l’opposition reste le recours ordinaire contre la décision d’injonction de payer. Toutefois, elle voit ses délais réduits. Elle doit désormais être introduite dans un délai de 10 jours suivant la signification de l’ordonnance portant injonction de payer. Lorsqu’elle est saisie sur opposition, la juridiction compétente désigne un juge pour procéder à une tentative de conciliation. En cas d’échec, le juge en fait le constat et renvoie l’affaire devant la juridiction. Cette décision rendue après examen au fond se substituera à l’ordonnance portant injonction de payer et est susceptible d’appel dans un délai de 15 jours à compter du prononcé de la décision. L’opposition déclarée irrecevable emporte l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance d’injonction de payer. L’appel tout comme le délai d’appel sont suspensifs mais la décision peut être accompagnée d’une exécution provisoire.

Par ailleurs, les nullités de forme ne peuvent être soulevées que si la nullité résulte d’une disposition expresse du nouvel Acte Uniforme suivant le principe « pas de nullité sans texte ».

En outre, la nullité ne peut être prononcée que si celui qui l’invoque prouve qu’il a subi un grief du fait de l’inobservation de la formalité ou du défaut d’une mention sur un acte conformément au principe « pas de nullité sans grief ».

La saisie-conservatoire et la saisie-vente de bétail sont aussi une nouveauté de cet Acte Uniforme qui encadre les conditions dans lesquelles la saisie-conservatoire et la saisie-vente du bétail doivent se faire. La saisie-conservatoire lorsqu’elle est pratiquée rend indisponible le bétail. Le débiteur conserve cependant l’usage dudit bétail. La mise sous séquestre d’un ou plusieurs animaux peut en tout état de cause être ordonnée sur requête par la juridiction compétente à tout moment, et ce même avant le début des opérations de saisie et après avoir entendu les parties ou celles-ci dûment appelées.

L’Acte Uniforme qui entrera en vigueur le 16 février prochain consacre également la saisie du fonds de commerce. A cet effet, il convient de noter que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder après signification d’un commandement de payer à la saisie et à la vente du fonds de commerce appartenant à son débiteur.

La saisie porte sur les éléments du fonds de commerce énumérés à l’article 136 de l’Acte Uniforme portant sur le Droit Commercial Général, à savoir la clientèle, l’enseigne, le nom commercial mais aussi, s’ils existent, sur les éléments mobiliers, corporels et incorporels notamment les installations, les aménagements et agencements, le matériel, le mobilier, les marchandises en stock, le droit au bail, les licences d’exploitation, les brevets d’invention, marques de fabrique et de commerce, dessins et modèles, et tout autre droit de propriété intellectuelle nécessaire à l’exploitation.

Désormais, avec l’adoption du nouvel Acte Uniforme, tout créancier peut saisir les biens meubles corporels contenus dans un coffre-fort appartenant à un tiers. La saisie emporte interdiction d’accès au coffre-fort sans la présence de l’huissier de justice ayant pratiqué la saisie, avec la possibilité pour celui-ci d’y apposer des scellés. Il convient de relever en sus que les créances qui consistent en des avoirs en monnaie électronique peuvent faire l’objet de saisie. Conformément à la définition donnée de la monnaie électronique, le législateur OHADA vise ici les sommes détenues par les établissements de monnaie électronique pour le compte de leurs clients. Aussi, le nouvel Acte étend la saisie des droits d’associés et valeurs mobilières aux autres titres de créance négociables. En parlant non pas de titres de créances négociables mais plutôt « d’autres titres de créance négociables », le législateur semble vouloir élargir la saisie aux autres titres financiers en général.