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La réglementation sur les établissements de crédit est uniformisée par une loi portant réglementation bancaire[1] dans la zone UEMOA.

Cette nouvelle loi bancaire, entrée en vigueur en avril 2010, fait une distinction entre les banques et les établissements financiers à caractère bancaire, mais elle leur donne une dénomination commune : « établissements de crédit ».

L’article 4 de cette nouvelle loi bancaire sur les établissements de crédit précise que les établissements financiers à caractère bancaire sont habilités à effectuer les opérations de banque pour lesquelles ils sont agréés.

Ils sont classés, par instruction de la Banque centrale, en diverses catégories selon la nature des opérations de banque qu’ils sont habilités à effectuer. Pour plus de précision, l’article 6 considère comme opérations de crédit, pour l’application de la présente loi, « tout acte par lequel une personne, agissant à titre onéreux : met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une personne ; prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement ou une garantie. » sont assimilés à des opérations de crédit, le crédit-bail et, de manière générale, toute opération de location assortie d’une option d’achat. »

La loi-cadre prévoit en son article 56- notamment que Le Conseil des Ministres de l’UMOA est habilité à prendre toutes dispositions concernant :

1) le respect, par les établissements de crédit, d’un rapport entre les divers éléments de leurs ressources et emplois ou le respect de plafond ou de minimum pour le montant de certains de leurs emplois ;

2) les conditions dans lesquelles les établissements de crédit peuvent prendre des participations ;

3) les normes de gestion que les établissements de crédit doivent respecter en vue notamment de garantir leur liquidité, leur solvabilité, la division de leurs risques et l’équilibre de leur structure financière.

Par ailleurs, elle prévoit en son article 59 que « Les établissements de crédit ne peuvent s’opposer aux contrôles effectués par la Commission Bancaire et la Banque Centrale, conformément aux dispositions en vigueur sur le territoire de (). »

Il est clair que la loi-cadre régissant l’activité bancaire dans la zone UEMOA jette elle-même les bases du contrôle que devraient exercer les différentes institutions et organes (Conseil des Ministres, BCEAO, Commission bancaire, Ministres des finances) sur les établissements de crédit exerçant dans l’espace de l’Union en raison fondamentalement de l’importance de celle-ci dans la croissance et la stabilité de l’économie sous-régionale.

A cela s’ajoute un fait majeur lié à une réglementation internationale de plus en plus stricte de l’activité bancaire et notamment des politiques de crédit. Cette situation provient directement de la crise financière de 2008 dont l’origine était une politique de crédit imprudente et pas maîtrisée ayant mis en péril les dépôts reçus des tiers par les établissements bancaires. Dans tous les pays touchés par la crise financière, les Etats ont été obligés de jouer leur rôle régalien de garant en dernière ressort.

En effet, la faiblesse de nos économies appelle plus de prudence en raison du fait qu’une cure, dans de pareilles circonstances, serait hautement plus destructrice pour le tissu économique ici qu’elle ne l’a été ailleurs.

C’est dans ce contexte qu’est intervenue l’entrée en vigueur le 1er Janvier 2018 d’une nouvelle réglementation prudentielle issue de la transposition des normes Bâle II et Bâle III[2]. Cette nouvelle donne appelle de la part des banques un changement dans la démarche pour un renforcement du système financier et de la solidité des établissements de crédits.

En effet, ces dernières règles, qui viennent en complément de celles pratiquées jusque là par l’autorité de tutelle à savoir la BCEAO, portent sur :

  • La solvabilité c’est-à-dire le risque de crédit, le risque de marché, le risque opérationnel ;
  • Le dispositif de surveillance que chaque banque doit mettre en œuvre pour surveiller les risques et pour connaitre à tout moment son exposition et sa situation vis-à-vis des fonds propres ;
  • Et enfin, une discipline de marché, en exigeant des banques la communication des informations financières.

De façon plus générale, la BCEAO conduit sa politique de surveillance macro prudentielle consistant à mesurer, évaluer et limiter le risque systémique, c’est-à-dire le risque d’une défaillance majeure de la fourniture de services financiers ayant des conséquences sérieuses sur l’économie réelle[3].

Les réformes engagées ces dernières années ont permis d’améliorer le cadre de suivi des risques de nature systémique en vue du renforcement de la résilience du système financier de l’UMOA.

Pour ce qui concerne spécifiquement le secteur bancaire de l’UMOA, le dispositif actuel de surveillance du risque systémique repose notamment sur :

  • Les indicateurs de solidité financière (ISF) du secteur bancaire, qui sont des ratios caractéristiques de la santé et la solidité du système bancaire. L’établissement de ces indicateurs par le Fonds Monétaire International est la résultante de diverses crises bancaires et financières et des besoins de renforcement des dispositifs de surveillance macro prudentielle dans les Etats. Dans le cadre de la préservation de la stabilité financière de l’Union, la BCEAO procède à l’élaboration et au suivi des indicateurs de solidité financière du secteur bancaire ;
  • Les stress tests ou tests de résistance bancaires, qui permettent d’évaluer la capacité d’un établissement de crédit ou d’un système bancaire à faire face à des chocs sévères, simulés à travers des scénarii extrêmes mais susceptibles de se produire. La BCEAO procède également à l’évaluation de la capacité de résilience du secteur bancaire à travers la mise en œuvre de cet outil[4].

Plusieurs réformes sont également en cours pour améliorer le cadre de régulation du système financier de l’UMOA. Il s’agit notamment des projets relatifs à l’adoption d’indicateurs de surveillance macro prudentielle pour le secteur bancaire et financier, à l’identification des établissements bancaires d’importance systémique, à la supervision sur base consolidée des groupes bancaires et à la surveillance complémentaire des groupes financiers.

Dans cette perspective, et en application des règles Bâle II et Bâle III, différents textes ont été adoptés au niveau de l’UMOA qui concourent tous à la réalisation de l’objectif de sécurisation et de stabilisation du secteur financier.

Il s’agit principalement de :

-La Décision n°013-24-06 CM UMOA relative au dispositif prudentiel applicable aux Etablissements de Crédit du 24 Juin 2016 dont l’architecture repose sur les trois piliers complémentaires suivants :

(a) le premier pilier (Titres premier à X) porte sur des exigences minimales de fonds propres en fonction des risques (de crédit, opérationnel, de marché), conformément aux règles de Bâle III. Il aborde également les normes prudentielles connexes aux exigences minimales de fonds propres, notamment la division des risques et le ratio de levier ;

(b) le deuxième pilier (Titre XI) définit les grands principes de la surveillance prudentielle et le cadre d’intervention y afférent ;

(c) le troisième pilier (Titre XII) énonce les principes directeurs régissant la discipline de marché. Il vise à renforcer la transparence et la communication des établissements vis-à-vis du public quant à leur exposition aux risques.

Le nouveau dispositif établit également des exigences prudentielles en matière de liquidité (Titre XIII). Ces dernières présentent les normes minimales applicables aux établissements, conformément aux recommandations édictées par le Comité de Bâle. Certaines dispositions du présent cadre prudentiel sont précisées par des instructions de la BCEAO ou par des circulaires de la Commission Bancaire de l’UMOA.

-La Décision N° 013/24/06/2016/CM/UMOA portant dispositif prudentiel applicable aux Etablissements de crédit et aux Compagnies financières de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) qui adopte le dispositif prudentiel applicable aux établissements de crédit et en confie la mise en œuvre à la Banque centrale et la Commission bancaire de l’UMOA.

-La Décision N° 014124/06/2016/CM/UMOA relative à la supervision sur base consolidée des Etablissements de crédit Maisons-Mères, et des Compagnies financières dans l’UMOA.

La Supervision sur base consolidée est le processus par lequel une Autorité de supervision surveille l’exposition aux risques ainsi que l’adéquation des fonds propres, aide la liquidité d’un groupe bancaire soumis à son contrôle, sur la base de la totalité des activités dudit groupe au sein et en dehors de sa juridiction.

L’article 8 de cette Décision prévoit que les compagnies financières sont assujetties à des règles de gestion, prudentielles, de contrôles interne et externe ainsi qu’à des obligations déclaratives qui sont précisées par Décision du Conseil des Ministres de l’UMOA, Circulaire de la Commission Bancaire de l’UMOA ou Instruction de la Banque Centrale.

Les compagnies financières et leurs dirigeants peuvent faire l’objet des mesures correctrices ainsi que des sanctions administratives et/ou disciplinaires prévues dans l’Annexe à la Convention régissant la Commission Bancaire de l’UMOA.

L’article 9 complète le dispositif en prévoyant que l’Autorité de supervision de l’UMOA peut prendre des mesures particulières applicables aux assujettis et visant notamment à établir des restrictions sur leurs activités et la modification de leur structure. Ainsi, à ce titre, la Commission Bancaire est habilitée :

-à limiter l’étendue des activités qu’un assujetti peut entreprendre ainsi que les Juridictions sur lesquelles il les mène, lorsqu’elle estime que :

  • la sureté et la solidité de l’assujetti sont menacées par ces activités qui l’exposent à des risques excessifs ou ne sont pas correctement gérées ;
  • le contrôle exercé par d’autres autorités de supervision n’est pas satisfaisant compte tenu des risques encourus ;
  • elle est empêchée d’exercer un contrôle efficace sur une base consolidée.

– à ne pas autoriser des structures de capital ou d’organisation qui font obstacle à l’obtention de données financières consolidées ou entravent de toute autre manière la surveillance effective d’un groupe.

Nonobstant ces mesures, la Commission Bancaire peut, selon les circonstances, appliquer aux assujettis, sur une base sous consolidée, toutes autres mesures préventives qu’elle juge appropriées.

L’objectif principal de la surveillance prudentielle des établissements de crédit consiste à améliorer la communication financière des banques. Il importe dès lors que les responsables d’institutions financières soient convaincus de la nécessité d’une plus grande transparence et entreprennent des démarches en ce sens. Ainsi, les responsables bancaires sont encouragés à communiquer davantage d’informations puis que la publication d’informations peut contribuer à amoindrir de façon significative les risques consécutifs à une politique de crédit laxiste[5].C’est tout le sens des nouvelles règles de Bâle II et Bâle III.

[1] LOI-CADRE PORTANT REGLEMENTATION BANCAIRE, https://www.bceao.int/sites/default/files/2018-03/loi.pdf

[2] Bâle II et Bâle III sont des normes qui sont édictées, par le régulateur, ce sont des normes qui viennent d’une instance,  le comité de Bâle  qui avait déjà créé un dispositif qui s’appelait  Bâle I, un dispositif de surveillance et de supervision bancaire qui prévoyait  principalement dans le dispositif de Bâle I  que les banques devaient respecter un certain nombre de ratios principalement le ratio de solvabilité et ce ratio est déterminé en fonction des risques, du risque de crédit.

[3] Financial Stability Board – FSB, 2011b. https://www.bceao.int/fr/content/le-comite-de-stabilite-financiere

[4] DOUCOURE Fodiyé Bakary  et SENE Babacar, LES DETERMINANTS MACROECONOMIQUES DE L’INDICE DE STRESS BANCAIRE DANS LES PAYS DE L’UEMOA, Revue Economique et Monétaire de la BCEAO N°16, Décembre 2014.

[5] Voir dans ce cadre la Loi n° 2014-02 du 6 janvier 2014 portant réglementation des bureaux d’Information sur le Crédit dans les Etats membres de l’Union monétaire Ouest africaine (UMOA) modifiée par la Loi du 20 Mars 2018.